MAROC 1953 – 1956

CONTEXTE ET ORIGINES DU CONFLIT

Le conflit qui, sur la période de 1953 à 1956, conduit le Maroc à l’indépendance s’inscrit dans la catégorie des guerres de décolonisation à la différence de celui de la Tunisie qui est un affrontement postcolonial opposant deux États indépendants.

La défaite de la France face à l’Allemagne en 1940 porta un coup décisif au prestige français : après l’occupation de l’Afrique du Nord par les Alliés (novembre 1942), le sultan Mohammed V reçut du président Roosevelt la promesse de l’indépendance (le Maroc était sous protectorat français depuis le 30 mars 1912). L’un des fondateurs du parti nationaliste créé fin 1943 fut arrêté par la France début 1944. Des émeutes furent réprimées violemment. Le sultan revendiqua l’indépendance dans un discours prononcé à Tanger en avril 1947. L’épreuve de force semblait inévitable.

 

Le Maroc en 1912 sous protectorat français en vert clair, sous protectorat espagnol en rose

La fin du protectorat français au Maroc

Au XIXème siècle, l’État marocain était faible et le pays était devenu un enjeu de la rivalité des puissances européennes : la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Allemagne et la France déjà bien implantée en Algérie. La rivalité était surtout celle qui opposa l’Allemagne à la France : la crise ouverte par la visite de Guillaume II à Tanger le 31 mars 1905 se termina par la conférence d’Algésiras en 1906 ; des incidents dès l’année suivante provoquèrent l’intervention de l’armée française au Maroc qui était de fait sous contrôle international ; nouvelle intervention de la France en 1911 à la demande du sultan assiégé dans Fès par des tribus révoltées, cette intervention déclenchant l’incident d’Agadir ; mais grâce à une bonne gestion de cette crise par le président du Conseil français, les deux parties négocièrent l’accord franco-allemand du 4 novembre 1911 qui laissa à la France les mains libres au Maroc en échange d’une cession à l’Allemagne d’une portion de territoire au Congo. Le Maroc passa sous protectorat français le 30 mars 1912 par la convention de Fès.

C’est le 2 mars 1956 que le Maroc redevint pleinement souverain et indépendant. Contrairement à l’Algérie, le Maroc n’avait pas vocation à devenir une colonie de peuplement, et sa gestion par Paris restait largement influencée par son premier « résident général », Hubert Lyautey, promu maréchal de France en 1921.

Contrairement à la Tunisie, où l’influence du bey sur les mouvements nationalistes fut relativement faible, les monarques marocains, et notamment le futur Mohammed V, étaient très impliqués dans le combat pour l’émancipation du pays. Le jeu politique marocain était encore compliqué par l’influence des tribus qui se révoltèrent à plusieurs reprises contre les présences espagnole et française.

A l’issue de la seconde guerre mondiale, la poussée nationaliste se fit plus pressante. Le sultan Mohammed Ben Youssef profita de la célébration du 25ème anniversaire de son accession au trône pour revendiquer l’indépendance du Maroc. Il manifesta sa volonté de résistance en refusant de signer un certain nombre de dahirs (textes de loi) alors que le poids de l’administration, placée sous l’autorité du général Juin, se faisait de plus en plus sentir. Les autorités françaises, en accord avec Thami el Glaoui, beau-frère du sultan et pacha de Marrakech, considéré comme l’un des plus puissants « féodaux » de l’époque, organisèrent, à l’issue d’un complot fomenté à Marrakech, un semblant de rébellion qui conduisit à la destitution du sultan en août 1953.

Celui-ci, exilé en Corse puis à Madagascar, fut remplacé à ce poste par une personnalité sans relief et âgée, Moulay ben Arafa. L’activisme nationaliste des autorités en place se doublait alors de celui de nouvelles formations, au premier rang desquelles l’Istiqial. Cependant, la France, qui était engagée dans la guerre d’Algérie, devait également faire face à la révolte nationaliste en Tunisie et sortait à peine de la guerre en Indochine. Elle décida alors de s’orienter vers une solution politique : le sultan, dont l’exil n’avait fait que conforter la légitimité et grandir le prestige international, fut rappelé au Maroc. Revenu dans son pays, il fut reçu et acclamé par une foule de plus d’un million et demi de personnes. Le gouvernement d’Edgar Faure négocia les modalité de la déclaration de la Celle-Saint-Cloud (novembre 1955), qui conduisit à la fin du protectorat français le 2 mars 1956 et donc à l’indépendance du Maroc.

CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS

10 avril 1947 : Le sultan Mohammed V ben Youssef, encore meurtri par les émeutes réprimées avec violence par la France, prononce le discours de Tanger, dans lequel il réclame l’indépendance du pays et son intégrité territoriale.

11 octobre 1950 : Au cours d’un voyage officiel en France, le sultan présente un mémorandum au gouvernement français qui ne répond pas. A son retour au Maroc, a lieu une violente altercation au conseil du Gouvernement entre les leaders politiques marocains et le résident général, le général Juin.

26 janvier 1951 : Le général Juin, soutenu par les colons conservateurs français et les extrémistes du parti « présence française », menace de destitution le sultan Mohammed ben Youssef s’il ne désavoue pas le parti de l’Istiqlal.

14 mars 1952 : Le sultan Mohammed Ben Youssef envoie un nouveau message à Paris appelant notamment la France à accorder l’indépendance du Royaume, à permettre aux Marocains de jouir de toutes les libertés publiques, et à donner aux travailleurs le droit de former des syndicats et de participer à des négociations conduisant à l’indépendance du pays.

 

Décembre 1952. L’armée française en alerte pour rétablir l’ordre (coll.part.)

 

18 mars 1953 : Distribution d’un manifeste signé par une vingtaine de notables marocains pro-français, accusant « le sultan de conduire le pays vers le chaos » et de s’allier à « des partis politiques illégitimes ».

1er juin 1953 : Le sultan Mohammed V demande à la France de mettre un terme à cette dissidence manigancée et organisée par des pachas (dont El Glaoui, pacha de Marrakech) et caïds collaborateurs du lobby des colons.

13 août 1953 : La France demande au sultan, sous la menace de le déposer, de renoncer à la majorité de ses droits politiques.

16 août 1953 : Manifestations anti-françaises réprimées dans le sang à Marrakech, Fès, Casablanca, Rabat, Salé, Meknès et Oujda.

20 août 1953 : Sous la pression du lobby des colons, le sultan Mohamed V est destitué par les autorités françaises et remplacé par un souverain fantoche, Moulay ben Arafa. La résistance commence aussitôt à s’organiser.

 

Moulay ben Arafa (Coll.part.)

Août 1955 : Déclenchement de la révolution du Roi et du peuple. Des émeutes éclatent.

Les manifestations sont fréquentes et se terminent souvent dans le sang. D’août 1953 à avril 1956, on dénombre près d’un millier de victimes de la résistance armée.

Octobre 1955 : L’armée de libération marocaine attaque des postes avancés de l’armée française dans la région accidentée du Rif où ni l’aviation, ni les tanks français ne peuvent intervenir. Le même mois, une importante offensive française est déclenchée pour encercler une tribu rebelle.

Lire ci-dessous « La deuxième guerre du Rif racontée par une collégienne ».

5 novembre 1955 : Entretiens Pinay-Mohammed V de La CelleSaint-Cloud.

6 novembre 1955 : La France reconnaît Mohammed V comme sultan du Maroc : ce dernier est accueilli triomphalement à Rabat, mais les troubles persistent.

 

Le sultan Mohammed ben Youssef et le président du Conseil Guy Mollet (Coll.part.)

2 mars 1956 : La France reconnaît officiellement l’indépendance du Maroc.

7 avril 1956 : L’Espagne reconnaît à son tour l’indépendance du Maroc.

21 octobre 1956 : Le statut international de Tanger est aboli.

 

La deuxième guerre du Rif racontée par une collégienne.(2016)

 

Le Rif

 

Le 20 août 1953, le Sultan Mohamed V est destitué par les autorités françaises. La résistance commence aussitôt à s’organiser. Des émeutes ont lieu le 20 août 1955. L’armée de libération marocaine attaque le 2 octobre 1955 à partir de minuit les postes avancés de l’armée française à Aknoul, Tizi Ousli et Boured et dans cette région accidentée au cœur du Rif que la presse avait surnommée « le triangle de la mort ». Ni l’aviation, ni les tanks français ne peuvent intervenir efficacement contre les 2000 maquisards marocains. L’attaque d’Imouzzer des Marmoucha fut l’épisode le plus sanglant de l’insurrection. Le chef de circonscription des affaires indigènes commandant le poste avait été prévenu par un Marocain de l’imminence d’un coup de force mais il ne donna pas de crédit à ce renseignement. Les rebelles tuèrent dix européens et cinq goumiers. Ils purent emporter une grande quantité d’armes. Un bilan établi par les partisans, le 6 octobre 1955, insista sur l’effet de surprise et surtout sur la saisie de 380 armes. Il estimait à 71 le nombre de victimes de l’offensive, en majeure partie européennes.

Le 9 octobre 1955, une offensive de grande envergure à laquelle participent plus de 10 000 hommes, fut déclenchée pour encercler la tribu rebelle des Gzenaya avec dix bataillons français. A la fin d’octobre 1955, le front s’étendait sur 150 kilomètres. A la fin de 1955, la menace s’était aggravée, au point qu’il a fallu abandonner pratiquement une zone de 30 kilomètres de large sur 20 de profondeur au Sud – Est de Tizi Ousli.

Dans la nuit du 28 au 29 décembre 1955, une nouvelle offensive des rebelles dans le Rif révéla l’extension de la dissidence de plus de 40 kilomètres vers l’Ouest. Le général Agoustini, qui dispose de 15 000 hommes, entrepris une puissante opération de « nettoyage » qui lui permit, de reprendre les positions abandonnées et de mettre fin aux attaques. Aux prises avec une guérilla insidieuse, les troupes françaises se sentaient impuissantes et découragées ; à cela s’ajoutaient des désertions en masse de Marocains. On dut évacuer les goumiers en camions et sans armes.

BILAN DES VICTIMES

Le bilan est incertain.

D’août 1953 à avril 1956, on dénombra près d’un millier de victimes de la résistance armée.

La rébellion dans le Rif fit une centaine de victimes en majeure partie européennes. Face à la guérilla, les troupes françaises perdirent beaucoup d’armes et furent confrontées à des désertions en masse de Marocains.

SOURCES

Bibliographie

 

Boukhari Karim, Description de l’Afrique septentrionale, Tel Quel, Adrien Maisonneuve, Paris, réédition 2002
Collectif, Chronique du 20e siècle, Éditions Chronique, 2000
Miège Jean-Louis, Le Maroc, Que sais-je?, PUF, Paris, 9ème édition, 2001
Mourre, Michel, Dictionnaire encyclopédique d’Histoire, Larousse – Bordas, nouvelle édition 1996
Rachet Guy, Maroc, photographies de Suzanne Held, L’album, Hermé, Paris, 2004

 

Sitographie

 

Clio, Chronologie Maroc, Le Maroc à l’époque du protectorat français

http://www.clio.fr/CHRONOLOGIE/chronologie_maroc_le_maroc_a_l_epoque_du_protectorat_francais_1912-1956.asp

CVCE, L’indépendance du Maroc

https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/dd10d6bf-e14d-40b5-9ee6-37f978c87a01/2796f581-3e5a-4dff-9fbe-fd3d48966b38

Delamare Jean, la quatrième République, Maroc 1947 – 1955

http://delamarejean.free.fr/Service_Militaire_Obligatroire/html/la_quatrieme_republique2.html

SlateAfrique, Comment le Maroc a été vendu avant le protectorat

http://www.slateafrique.com/92955/histoire-comment-le-maroc-ete-vendu

Wikipédia, Histoire du Maroc

https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Maroc

Wikipédia, Protectorat français au Maroc

https://fr.wikipedia.org/wiki/Protectorat_français_au_Maroc

 

Vidéo

 

Wikipédia, Histoire du Maroc, vidéo sur les émeutes du 21 juillet 1955 à Casablanca

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/3f/1955-07-21_Morocco_Riots_Terror_Mounts_In_Revolt_Of_Arabs.ogv