La guerre en Syrie

Contexte du conflit

La Syrie au cœur du Proche-Orient

 

LES SÉQUELLES DE LA DOMINATION EUROPÉENNE

Jusqu’à la fin de la première guerre mondiale, l’actuel territoire syrien fait partie de l’Empire ottoman. Mais ce dernier sort perdant de la guerre et est contraint d’abandonner son contrôle sur le Proche Orient. L’idée de regrouper tous les peuples de langue arabe au sein d’un seul et même pays fait alors son apparition, c’est le panarabisme. Mais les deux grands gagnants de la guerre, les Britanniques et les Français, en décident autrement. Ils mettent en application les accords Sykes-Picot, signés en 1916, qui prévoient la mise sous tutelle des territoires autrefois ottomans. Des frontières sont tracées, divisant le Proche Orient en différentes entités. La Syrie moderne restera sous administration française jusqu’à son indépendance en 1946.

 

LA RELIGION : UN FACTEUR DE TENSIONS
Le Proche Orient est une région majoritairement musulmane. Mais l’islam est divisé en deux branches distinctes : le sunnisme et le chiisme. La division s’est faite en 661, à la mort d’Ali, quatrième successeur de Mahomet. Ce dernier n’ayant pas désigné de successeur, les sunnites demandent à ce qu’un nouveau chef religieux soit élu. Mais pour les chiites, c’est le gendre de Mahomet qui doit prendre la succession. Pour eux, les sunnites sont des imposteurs. Il s’agit donc d’une division religieuse mais aussi politique. Cette rivalité entre sunnites et chiites est un facteur de tension au Proche Orient, ravivée par des luttes d’influence entre les puissances régionales que sont l’Arabie Saoudite et l’Iran et instrumentalisée par les groupes extrémistes.

 

LA DICTATURE DES ASSAD
En Syrie, la religion est un facteur de tensions permanentes. En effet, après l’indépendance, plusieurs coups d’États s’enchaînent et le pays ne parvient pas à rester stable. C’est à cette époque que s’affirme l’idée du panarabisme, sous la forme du parti Baas.
En 1971, Hafez El-Assad (le père de Bachar El-Assad), membre du parti Baas, accède au pouvoir par la force. Le Baas devient alors le parti dominant du pays et le système politique de référence.

En Syrie, 70% de la population est sunnite et 13% est alaouite, une minorité issue du chiisme. C’est pourtant de cette communauté qu’est issu Hafez El-Assad et les principaux dirigeants du pays. Le fait que la minorité alaouite soit au pouvoir contrarie la majorité sunnite. Les Kurdes de Syrie, majoritairement sunnites, protestent également contre les discriminations dont ils sont victimes. Enfin, le pays compte presque 10% de chrétiens.

En 2000, à la mort d’Hafez El-Assad, c’est son fils Bachar qui lui succède. Les Syriens espèrent alors une certaine libéralisation, un vent démocratique souffle sur le pays : c’est le Printemps de Damas. Malheureusement, ce printemps sera de courte durée et les opposants au régime sont réprimés ou emprisonnés.

 

LE PRINTEMPS ARABE
En décembre 2010, des manifestations contre le gouvernement commencent en Tunisie et s’étendent peu à peu au monde arabe. Le Printemps arabe en Syrie commence dans la ville de Deraa le 15 mars 2011. Cette ville fait partie des régions écartées du développement économique par le régime de Damas. Le 18 mars 2011, des manifestations ont lieu dans plusieurs grandes villes du pays. Elles sont violemment réprimées par les forces de l’ordre, faisant quatre morts et une centaine de blessés. La révolte s’étend ensuite au reste du pays. Le régime envoie l’armée pour lutter contre les manifestants, faisant des milliers de morts, notamment lors du Ramadan de l’été 2011. Peu à peu, de nombreux militaires de confession sunnite refusent d’obéir aux ordres du régime alaouite et se joignent aux rebelles. Le mouvement de protestation initial se transforme alors en conflit entre l’armée loyaliste de Bachar El-Assad et les rebelles majoritairement sunnites. C’est le début de la guerre civile.

 

LES PRINCIPAUX ACTEURS DU CONFLIT
Depuis le début de la guerre civile en Syrie en 2011, différents acteurs s’affrontent aussi bien du point de vue idéologique que politique. En effet, la Syrie est depuis des années le théâtre de tensions entre le pouvoir en place qui représente une minorité de la population et règne par la terreur, et la majorité de la population qui aspire au changement. Le conflit actuel n’échappe pas à cette division et à ces tensions.

 

BACHAR EL-ASSAD ET SES ALLIÉS
Le régime de Bachar El-Assad est soutenu par des milices pro-régimes comme les Force de défense nationale crées en 2012 (FDN, 90 000 combattants). Il peut également compter sur des milices venues du Liban, d’Iran ou encore d’Irak. Le mouvement le plus important est celui du Hezbollah libanais. Tous ces groupes sont chiites.
La plus grande puissance alliée du régime syrien dans la région est l’Iran. Cette puissance chiite a envoyé des milliers de combattant pour aider l’armée syrienne et a également fourni des conseillers militaires et de nombreuses aides économiques au régime.
La Russie est le principal allié de Bachar El-Assad hors du Proche Orient. Elle intervient militairement dans la région depuis le 30 septembre 2015, en lançant notamment des frappes contre les rebelles et les djihadistes. La Chine est également un allié diplomatique précieux pour le régime syrien.

 

L’OPPOSITION
Face au régime de Bachar El-Assad, on retrouve le Conseil National Syrien (CNS), plus généralement appelé « l’opposition ». Les opposants au pouvoir ont tenté de se rassembler pour former plusieurs groupes rebelles dans tout le pays et ils combattent aujourd’hui le pouvoir en place. Le CNS regroupe actuellement plus de 30 groupes d’opposants, dont les Frères Musulmans et les partis kurdes.
L’opposition est aidée par les grandes puissances sunnites de la région. En effet, des pays comme la Turquie, le Qatar, l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, la Jordanie, le Bahreïn, le Maroc ou encore le Koweït aident certains groupes rebelles syriens dans leur lutte contre Bachar El-Assad. Du côté de la coalition internationale, l’opposition peut compter sur un soutien plus ou moins fort des États-Unis, de la France ou encore du Royaume-Uni. Mais ces puissances n’apportent pas une aide aussi décisive aux rebelles que ne le fait la Russie pour le régime.

 

LES GROUPES RADICAUX
A côté de ces deux grands groupes, on retrouve aussi des groupes sunnites islamistes radicaux. Parmi eux, figure les groupes djihadistes comme le Front Fatah al-Cham (anciennement rattaché à Al-Qaïda) et le groupe État Islamique qui souhaitent créer un seul pays à cheval entre l’Irak et la Syrie. Ils contrôlent aujourd’hui une grande partie du territoire syrien. Ces groupes radicaux sont devenus tristement célèbres à cause de leurs atrocités et de leurs actes terroristes fortement médiatisés. Cependant, il faut garder à l’esprit que la majorité des victimes du conflit est imputable au régime syrien.

 

La multiplicité des acteurs explique la complexité de la crise syrienne et donc les difficultés à la résoudre.

 

Dans les villes en ruine

Les conséquences

Nombre de réfugiés syriens depuis le début de la guerre

 

 

 

Les réfugiés syriens représentent aujourd’hui la plus grande population de réfugiés au monde. Près de 5 millions de Syriens (un quart de la population du pays) ont déjà fui le conflit. La majorité d’entre eux se sont réfugiés dans des pays voisins comme la Turquie (2,8 millions de réfugiés syriens), le Liban, la Jordanie, l’Irak, l’Égypte et dans d’autres pays d’Afrique du Nord. De plus, cette année environ 700 000 personnes ont déjà risqué leur vie pour traverser la mer Méditerranée en direction de l’Europe. Enfin, l’ONU estime aujourd’hui à plus de 7,6 millions le nombre de Syriens déplacés à l’intérieur de leur pays.

 

UNE PAIX IMPOSSIBLE À TROUVER
Le 10 septembre 2016, un accord de trêve est conclu par l’intermédiaire des États-Unis et de la Russie. Cette trêve entre en vigueur le lundi 12 septembre à 19 h (heure locale). Elle prévoit notamment l’acheminement de convois humanitaires vers les villes assiégées, dont Alep. La trêve est globalement respectée malgré quelques violations. Cependant, le 19 septembre, soit une semaine plus tard, l’armée syrienne annonce la reprise des combats à 19 h (heure locale) le jour même. La trêve a notamment été fragilisée par la dégradation des relations diplomatiques entre Moscou et Washington. Le soir du 19 septembre, un convoi humanitaire de l’ONU et du Croissant Rouge est bombardé par l’aviation russe près d’Alep, faisant 12 morts.
Depuis la fin de la trêve, le régime syrien mène une offensive de grande ampleur pour reprendre Alep, avec l’aide de la Russie. Le 3 octobre, le plus grand hôpital du secteur rebelle de la ville est bombardé par l’aviation du régime. Washington suspend alors ses discussions avec Moscou sur un cessez-le-feu en Syrie. La situation s’enlise inévitablement, éloignant chaque jour un peu plus les espoirs de paix.

 

Position de la France et type de mandat

Depuis 2011, la France se mobilise pour trouver une solution au conflit syrien. Notre position n’a pas varié et nos priorités demeurent les suivantes :

1- Permettre une amélioration de la situation humanitaire.
2 – Reprendre les négociations afin d’assurer une transition politique crédible.
3 – Poursuivre la lutte contre le terrorisme.

Le conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 2328 sur la situation humanitaire à Alep. Cette résolution, portée par la France, apporte une première réponse à l’urgence humanitaire que connaît la ville. Elle doit permettre de mettre en œuvre l’évacuation des civils sous la surveillance des Nations unies, de garantir un accès immédiat et sans condition de l’aide humanitaire aux populations, et d’assurer la protection de l’ensemble des personnels et installations de santé dans tout le pays.

L’adoption de la résolution 2328 prolonge l’action de la France au sein des Nations Unies. Elle s’est engagée de façon continue pour obtenir le respect du droit international humanitaire en Syrie – réaffirmé notamment par les résolutions 2254 (prévoyant une feuille de route pour une transition politique) et 2258 du Conseil de sécurité (visant à faciliter l’accès des agences humanitaires au travers des frontières et lignes de fronts à l’intérieur de la Syrie).

En outre, pour ne pas se résigner à la paralysie du Conseil de sécurité lorsque des atrocités de masse sont commises, la France propose depuis 2013 un encadrement du recours au veto. La conviction de la France est que le veto ne doit pas et ne peut pas être un privilège : il implique des devoirs et une responsabilité particulière conférée par la Charte des Nations unies. Il a été confié aux cinq membres permanents pour favoriser la coopération entre eux afin que les Nations unies puissent prévenir et résoudre les conflits internationaux, faire efficacement respecter le droit international et protéger les populations civiles.

Comme la France l’a constamment affirmé, il ne saurait y avoir de retour à la stabilité en Syrie sans solution politique qui réponde aux aspirations légitimes de tous les Syriens. Cette solution passe par la tenue de véritables négociations, sous l’égide des Nations Unies, à Genève entre le régime syrien et l’opposition, puis par la mise en œuvre d’une transition politique crédible.

L’absence de transition et le maintien indéfini de Bachar al Assad ne font qu’aggraver les divisions de la Syrie. Sans transition, ce pays continuera de constituer un terreau favorable au développement du terrorisme et une menace pour la sécurité de la France et de l’Europe ; les combats se poursuivront également sur le terrain, ce qui ne fera qu’accroître les souffrances du peuple syrien et continuera d’alimenter les flux de réfugiés.
La communauté internationale s’est accordée sur un cadre politique pour mettre un terme à la crise syrienne, avec l’adoption du communiqué de Genève de 2012 et de la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations Unies de décembre 2015. C’est sur cette base que les négociations inter-syriennes doivent reprendre rapidement à Genève, sous l’égide de l’Envoyé spécial des Nations Unies.

Pour que ces négociations soient crédibles, il importe que la trêve sur le terrain soit respectée par l’ensemble des acteurs et à l’échelle de tout le pays. Un accès humanitaire libre, continu et sans entrave doit également être assuré. C’est la raison pour laquelle la France a soutenu les efforts de la Turquie, de l’Iran et de la Russie en vue de renouveler la trêve, en appelant à ce qu’ils soient suivis d’effets sur le terrain. Les acteurs régionaux et internationaux doivent exercer une pression en ce sens sur toutes les parties en Syrie.

La France ne ménage aucun effort pour parvenir à la mise en œuvre d’une solution politique. Le 10 décembre, à Paris, elle a notamment pris l’initiative d’une réunion ministérielle, autour de Riyad Hijab, leader de l’opposition modérée et chef du Haut comité des négociations, avec ses plus proches partenaires, qui ont réaffirmé à cette occasion leur soutien en faveur d’une reprise des négociations entre l’opposition et le régime. Le Ministre est également en étroit contact avec les acteurs régionaux et internationaux qui pèsent sur le dossier syrien. Il s’est ainsi rendu à Riyad et à Téhéran.
La France reste par ailleurs mobilisée dans le cadre de la lutte contre Daech sur le plan militaire. Elle est engagée avec ses forces armées contre le groupe terroriste en Syrie comme en Irak.

 

« La priorité de la France est la lutte contre le terrorisme »

 

Sur le plan politique, la France demeure constamment engagée en faveur d’une transition pour parvenir à une solution négociée. C’est également une question d’efficacité dans la lutte contre le terrorisme, car le maintien du régime Assad favorise la poursuite du conflit et la radicalisation de l’opposition, entretient les flux de réfugiés, déstabilise la région et empêche les Syriens d’unir leurs efforts contre le terrorisme. La France apporte donc son soutien à l’opposition modérée, réunie au sein du Haut comité de négociations (HCN) qui a exprimé son attachement à une solution politique et à une Syrie libre.

Sur le plan militaire, la France conduit l’opération Chammal (dans le cadre de la coalition internationale contre Daech) en Irak, depuis septembre 2014, et en Syrie depuis septembre 2015. Elle y mène des opérations aériennes, ainsi que des actions de conseil et de formation au bénéfice des forces de sécurité irakiennes et notamment kurdes. La France apporte également son soutien aux groupes modérés qui se battent contre Daech en Syrie.

Missions et moyens engagés

Les frappes françaises en Syrie

 

L’intervention militaire française en Syrie
Annoncés par François Hollande au début de septembre 2015, les premiers bombardements visant l’Etat islamique marquent un revirement de la politique française au Moyen-Orient.

 

1. Quelles cibles sont visées ?
François Hollande a précisé que les frappes avaient visé un camp d’entraînement de djihadistes près de Deir Ez-Zor, dans l’est de la Syrie. « Nos forces ont atteint leurs objectifs : le camp a été en totalité détruit », a ajouté le chef de l’Etat.

Mais selon nos informations, de premières frappes auraient été lancées dès le 24 septembre – ce que démentent les autorités –, et auraient visé les environs de Rakka, la « capitale » autoproclamée de l’Etat islamique.

M. Hollande a souligné que « d’autres frappes pourraient avoir lieu dans les prochaines semaines si nécessaires ».

Dans un entretien au Monde le 18 septembre, le ministre de la défense évoquait comme cibles prioritaires les « centres de formation des combattants étrangers » qui préparent ces derniers « non plus uniquement en vue de contribuer aux combats de Daech au Levant, mais pour intervenir en Europe, en France en particulier ».

 

Rafale

 

2. Quels moyens sont engagés ?
Dans le cadre de l’opération Chammal, engagée en septembre 2014 contre l’Etat islamique et initialement cantonnée à l’Irak, la France a mobilisé six Mirage 2000 (positionnés en Jordanie), six avions Rafale et un avion de patrouille maritime Atlantique 2 (positionnés, eux, aux Emirats arabes unis).

3. Quel cadre juridique ?
Dans l’entretien accordé au Monde, le ministre de la Défense a affirmé que « le cadre légal est l’article 51 de la charte des Nations unies qui porte sur la légitime défense ». Cet article précise qu’un Etat a le « droit naturel » de se défendre en cas « d’agression armée », jusqu’à ce que le Conseil de sécurité « ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales ».

Il y a un an, Paris refusait d’intervenir en Syrie et estimait alors qu’aucun cadre juridique et politique ne pouvait légitimer une intervention. Les attaques en France commanditées depuis l’Irak et la Syrie lors de cette dernière année contribuent à accréditer la légitime défense : Sid Ahmed Ghlam à Villejuif, Yassin Salhi en Isère, Ayoub El-Khazzani dans le Thalys Amsterdam-Paris…

La légitime défense est également le moyen invoqué par le Royaume-Uni dans le cadre de ses frappes contre l’Etat islamique et plus particulièrement contre des djihadistes britanniques.

4. Pourquoi la France a-t-elle frappé la Syrie alors qu’elle s’y refusait préalablement ?
En s’engageant dans la coalition internationale contre l’Etat islamique en Irak, Paris avait alors expliqué qu’il mettait dans le même sac l’Etat islamique et le régime de Bachar Al-Assad, accusés de centaines de milliers de morts depuis le début de la guerre syrienne en mars 2011. Et pour la France, bombarder l’EI en Syrie ne pouvait servir que les intérêts du régime syrien.

Mais en deux ans, « Daech [acronyme arabe de l’Etat islamique] a considérablement développé son emprise », pour justifier le changement d’orientation de sa politique. Constatant la menace de plus en plus grande de djihadistes formés en Syrie pour frapper la France sur son territoire, les autorités ont fait volte-face. De plus, « le périmètre d’action des forces loyalistes à Bachar s’est réduit et aujourd’hui, frapper Daech ne signifie pas militairement favoriser Bachar », assurait le ministre de la Défense le 18 septembre2015.

Cela ne fait toutefois pas de Bachar Al-Assad un allié, s’emploie à expliquer le gouvernement. Le ministre a assuré qu’il n’y avait « aucun » échange d’informations avec les Syriens et les Russes. Mais le nombre croissant d’Etats bombardant la région tenue par l’Etat islamique rend probable, à terme et de manière plus ou moins officielle, une certaine coordination entre les acteurs.

Résultats - Bilan - Où en est-on aujourd'hui ?

La rébellion déclenchée en Syrie contre Bachar el-Assad, en 2011, est devenue la guerre la plus destructrice et  sanglante du début du 21e siècle. Les négociations de paix n’aboutissent toujours pas.

 

Le conflit en Syrie a débuté le 15 mars 2011 par des manifestations pacifiques contre le régime dictatorial de Bachar el-Assad. Mais le « Printemps arabe » syrien  n’a jamais fleuri. Violemment réprimé, le soulèvement s’est transformé en lutte armée, et six ans plus tard, le pays est plongé dans l’horreur. Les  plans de  paix se succèdent, mais rien n’y fait : effroyable, la guerre qui entre dans sa septième année, a déjà fait près de 500  000 morts et 12 millions de déplacés, dans un pays devenu une vaste « salle de torture », selon la Commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie.

Le symbole d’Alep, ville martyre
En 2012, les rebelles s’emparaient de l’est de la ville d’Alep, deuxième ville du pays, faisant alors trembler le régime du président Bachar el-Assad. Après quatre années de combats, en décembre 2016, l’armée a repris le contrôle total de l’ensemble de la ville syrienne, marquant un tournant dans le conflit. Alep est désormais réunifiée, mais les conditions de vie y restent très difficiles : la priorité des habitants est avant tout de se fournir en eau et en électricité, tandis que le gouvernement a bien du mal à rétablir les services de base.

S’il existe encore des check-points dans la ville d’Alep, les contrôles de sécurité y sont toutefois moins nombreux qu’à Damas ou Lattaquié, et la menace semble éloignée. Le régime de Bachar el-Assad, soutenu par l’Iran et la Russie depuis 2015, a gagné la principale bataille face aux insurgés, soutenus par les pays du Golfe, la Turquie et des pays occidentaux. Autour de Damas, les redditions se sont également multipliées.

Mais le reste du pays reste déchiré par des combats impliquant des belligérants locaux, régionaux et internationaux.

Près de cinq ans de négociation de paix en échec
Les premières discussions sur la Syrie aux Nations-Unies se sont ouvertes en juin 2012. Menées par le secrétaire général d’alors, Kofi Annan, elles avaient abouti à un plan de paix en six points (transition, politique, libération de prisonniers….). Proposée par le Conseil de sécurité de l’ONU, la Turquie, la Ligue arabe et l’Union européenne, l’initiative est restée lettre morte.

En février 2014, un nouveau cycle de négociations, entre l’opposition et le régime, « Genève 2 », s’était ouvert, à l’initiative de l’envoyé spécial de l’ONU en Syrie, Lakhdar Brahimi. En vain. Les émissaires des deux parties ayant campé sur leurs positions, le médiateur de l’ONU a démissionné en mai 2014. Le 27 février 2016, une trêve initiée par Washington et Moscou entrait en vigueur en Syrie pour la première fois en cinq ans de guerre, accompagnée d’un nouveau round de négociations, « Genève 3 », orchestré par Staffan de Mistura, le successeur de Lakhdar Brahimi. Mais les deux avortent, faute d’accord.

Les pourparlers qui avaient repris fin février 2017 à Genève, pour un quatrième round, étaient aussitôt compromis, les attentats et les bombardements endeuillant à nouveau le pays. Le 25 février, des attentats suicides attribuées au groupe jihadiste Fatah el-Sham faisaient plus de trente morts à Homs (ouest), tandis que la veille, un attentat de Daesh avait fait quatre-vingt-trois victimes à Al-Bab (nord), la ville reprise par la Turquie à Daesh au terme d’un siège de deux mois.

Depuis, alors que les pourparlers menés par l’ONU s’enlisent et que les négociations n’aboutissent pas, la recrudescence des violences laisse entrevoir peu d’espoir pour la suite, l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui a interdit l’entrée de tout Syrien sur le territoire américain, ajoutant une autre incertitude. Les Etats-Unis qui soutiennent en principe les rebelles kurdes, n’ont rien annoncé depuis l’accession du milliardaire à la Maison-Blanche.

Près d’un demi-million de morts et de disparus

Comme dans toute guerre, il est difficile de faire un décompte exact des victimes du conflit syrien, qu’elles soient civiles ou militaires. « Une chose est sûre, assure l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), en nombre de tués, la guerre de Syrie s’apparente désormais à celui de la guerre d’Espagne (1936–1939) ».

En six ans de guerre civile, « environ 450 000 personnes ont été tuées et deux millions d’autres blessées » en Syrie, selon le bilan de l’organisation proche de l’opposition modérée et basée à Londres. Si ces chiffres restent des évaluations, l’OSDH est parvenu à documenter la mort de 321 001 personnes entre le 18 mars 2011 et le 13 décembre 2016. Pour la majorité d’entre elles, non pas des civils, mais bien des combattants des différents camps en présence.

Dans les rangs d’Assad, l’OSDH compte 60 900 soldats du régime morts dans les combats, 45 000 miliciens syriens et plus de 8 000 combattants étrangers. De l’autre côté, près de 55 000 rebelles et autant de djihadistes, la plupart appartenant à Daesh ou au Front Fateh al-Cham, ex-Al-Qaïda en Syrie, ont succombé. Ce nouveau bilan est en hausse de 9 000 victimes depuis décembre 2016 qui a vu l’instauration d’un fragile cessez-le-feu.

L’ONG évalue à 96 000  le nombre de civils tués dans le conflit, dont 17 000  enfants et 10 540 femmes adultes.

 

Scène de guerre

 

Le 7 février 2017,  Amnesty International accusait le régime syrien d’avoir pendu quelque 13 000 personnes en cinq ans dans une prison gouvernementale près de Damas, dénonçant une «politique d’extermination ». Ces pendaisons s’ajoutent aux 17 700 personnes tuées dans les geôles du régime, déjà décomptées par l’organisation. Intitulé « Abattoir humain : pendaisons et extermination de masse à la prison de Saydnaya », le rapport de l’ONG, qualifié de « totalement faux » par le régime syrien, se base sur des entretiens avec 84 témoins, parmi lesquels des gardiens, des détenus et des juges.

Selon l’OSDH, au moins 60 000  personnes sont mortes en six ans sous la torture et dans les terribles prisons syriennes et plusieurs milliers ont péri dans les prisons de groupes rebelles et jihadistes.

2006, l’année la plus effroyable pour les enfants
Les graves violations contre les enfants en Syrie ont atteint un niveau record en 2016, écrit le triste bilan publié par l’UNICEF, le 6 mars 2017. Après six ans d’une guerre qui a tué 17 000 enfants, près de 6 millions d’entre eux dépendent maintenant de l’aide humanitaire, un chiffre multiplié par douze depuis 2012. Les enfants les plus vulnérables sont les 2,8 millions qui vivent dans les zones du pays difficiles d’accès, notamment les 280 000 enfants vivant en zone assiégée, pratiquement coupés de l’aide humanitaire. »Des millions d’enfants sont déplacés, certains jusqu’à sept fois », précise l’agence onusienne. Plus de 2,3 millions d’enfants sont aujourd’hui réfugiés en Turquie, au Liban, en Jordanie, en Égypte et en Irak.

Plus de 850 enfants ont également été recrutés en 2016 pour combattre dans le conflit, soit plus du double du nombre enregistré en 2015. Certains sont utilisés pour se battre sur les lignes de front, mais aussi, dans des cas extrêmes, pour jouer le rôle de bourreaux, kamikazes ou gardiens de prisons.

Enfin, l’année dernière, au moins 652 enfants ont été tués, dont 255 dans ou à proximité d’une école. Un chiffre en augmentation de 20 % depuis 2015, « ce qui fait de 2016 la pire année pour les enfants de Syrie, depuis 2014, lorsque la vérification formelle des incidents contre les enfants a débuté », écrit l’UNICEF.

L’accès aux soins médicaux, à des produits essentiels et aux services élémentaires demeure compliqué dans plusieurs zones de Syrie, où l’agence onusienne a compté au moins 338 attaques en 2016 contre des hôpitaux et du personnel médical. Ces difficultés empêchent de fournir rapidement une assistance humanitaire aux plus vulnérables d’entre eux. Selon la Croix Rouge et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 50% des hôpitaux ont été détruits ou sont endommagés par les combats. La moitié des médecins ont quitté le pays où l’espérance de vie a chuté de 70 ans en 2010, à 55 ans en 2015.

Plus de 50% de la population déplacée
L’Observatoire syrien des droits de l’homme avance également le chiffre d’au moins 12 millions de personnes ayant dû quitter leur foyer. Une estimation qui rejoint celle du Haut commissariat de l’Onu pour les réfugiés (HCR), selon laquelle, en six ans, plus de la moitié des Syriens (le pays compte quelque 23 millions d’habitants) ont fui les combats et les exactions des différentes parties et ont été déplacés, essentiellement à l’intérieur du pays (7,3 millions).

Selon l’agence onusienne (février 2017), 4,9 millions de Syriens ont quitté leur pays, pour chercher refuge à l’étranger, surtout dans les pays limitrophes. La Turquie, principale terre d’asile pour ces migrants, en accueille près de 2,9 millions. Au Liban, le HCR recense quelque 1,5 million de réfugiés pour une population de 4,5 millions d’habitants.

La Jordanie, l’Irak, et l’Egypte sont d’autres terres d’accueil pour les exilés politiques syriens, de plus en plus nombreux aussi à vouloir se rendre en Europe, au péril de leur vie. Pour sa part, l’Hexagone a promis d’accueillir 30 000 réfugiés. Selon le rapport publié en février 2016 par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), depuis 2011, plus de 10 000 Syriens ont obtenu le statut de réfugié ou bénéficié de la protection subsidiaire en France, soit 1,51 pour 10 000 habitants. Un chiffre dérisoire au regard de l’ampleur de la crise migratoire : plus de 1 million de demandes d’asile avaient été enregistrées en Allemagne pour la seule année 2015.

90% des réfugiés syriens vivent sous le seuil de pauvreté. Dans certains pays comme le Liban, prêts à tout pour rembourser leurs dettes, ils deviennent parfois les victimes des trafics les plus inhumains.

Sources

Les rattrapages de l’actu : Syrie, les raisons d’une guerre

France diplomatie : site diplomatie.gouv.fr

Le Monde

Sud-ouest