Tchad : opérations Manta, Epervier et Barkhane

Manta

L’opération Manta est une opération militaire française qui s’est déroulée au Tchad entre 1983 et 1984 dans le cadre du conflit tchado-libyen. 4 000 soldats français sont mobilisés en soutien au président Hissène Habré face aux rebelles de Goukouni Oueddei (Weddeye).

En 1985, le Tchad, confronté à de multiples rébellions depuis la fin des années 70,  est coupé en deux.Au sud du 16e parallèle, le pays est contrôlé par les forces du président Hissène Habré soutenues par la France, alors qu’au nord de cette ligne, les dissidents du GUNT de Goukouni Oueddei (Weddeye) occupent le terrain avec l’aide de la Libye. Des vols de reconnaissance mettent en évidence des travaux dans une zone désertique au nord-est de Faya-Largeau : l’armée libyenne est en train de construire une base aérienne avancée qui met la capitale N’Djaména à portée des chasseurs-bombardiers libyens.

Les Français prennent l’affaire au sérieux d’autant plus que les photos aériennes laissent apparaître un déploiement important de radars et missiles sol-air d’origine soviétique dans le secteur et des affrontements au sol sont signalés dans l’est du pays. L’armée française décide de redéployer des moyens aériens sur les terrains de Bangui en RCA et de Libreville au Gabon.

Le 16 février, alors qu’il fait encore nuit, 11 avions Jaguar de la 11e escadre de chasse basée à Toul, décollent de Bangui. Après plusieurs ravitaillements en vol, et alors que le soleil est déjà haut, ils repèrent la base libyenne et attaquent la piste en rase motte avec des bombes anti-pistes. Les défenses ennemies restent muettes. Plusieurs bombent atteignent leur cible coupant la piste libyenne, en plusieurs endroits. Tous les avions français rentrent à leur base.

Cette opération sera suivie de l’opération Épervier. Cette dernière a été déclenchée début février 1986 à l’initiative de la France après le franchissement du 16e parallèle par les forces armées libyennes venues soutenir Goukouni Oueddei qui avait été renversé fin 1981 par Hissène Habré avec le soutien de la France et des États-Unis. Elle perdurera jusqu’au 1er août 2014 avant d’intégrer l’opération Barkhane, toujours en cours.

Epervier

Les éléments français au Tchad (EFT) de la force Épervier assurent deux missions permanentes :

  • ils garantissent la protection des intérêts français et, tout particulièrement, la sécurité des ressortissants français résidant au Tchad. En 2004, l’opération Dorca est venue se greffer sur l’opération Épervier.
  • conformément à l’accord de coopération technique signé entre la France et le Tchad, ils apportent un soutien logistique (ravitaillement, carburant, transport, formation) ainsi qu’un appui renseignement aux forces armées et de sécurité (FADS) tchadiennes.

Les éléments français au Tchad peuvent également être amenés à apporter leur soutien à des contingents internationaux. Ainsi, de mars 2008 à mars 2010, les EFT ont pleinement participé à la mission européenne EUFOR Tchad/RCA puis à la mission de l’ONU, la MINURCAT, pour contribuer au soutien de la paix entre les deux pays, assurer la protection des populations civiles et favoriser le travail des ONG dans les camps de réfugiés et de déplacés situés à l’est du Tchad et au nord-est de la RCA.

Dans le cadre d’accords bilatéraux, les contingents engagés ont bénéficié de prestations de soutien logistique (campement, habillement, eau, transports intra et extra-théâtre…) et sanitaire.

En outre, sur une base volontaire, les EFT apportent une aide médicale à la population et réalisent des actions civilo-militaires, essentiellement dans les domaines de l’éducation et de la santé.

Appui à Serval et Sangaris : parallèlement à leurs missions, la force Épervier peut être amenée à appuyer les opérations françaises se déroulant dans la région.

Le 12 janvier 2013, un sous-groupement de près de 200 militaires appartenant au groupement terre de la force Épervier a été projeté par Hercule C 130 et Transall de N’Djamena vers Bamako, lors de l’opération Serval au Mali.

Le 6 décembre 2013, la force Épervier a assuré un pont aérien entre Libreville, au Gabon, et Bangui, en Centrafrique, dans le cadre du renforcement de la force Sangaris.

Le 20 février 2014, conformément à la décision du Président de la République de renforcer l’opération Sangaris, une partie du groupement terre de la force Épervier a entamé son déploiement depuis N’Djaména vers la République Centrafricaine.

Dispositif

Le dispositif Épervier comptait, fin 2013, près de 950 militaires.

Le dispositif français au Tchad est adossé à deux bases principales : la plus importante est la base aérienne 172 sergent-chef Adji Kosseï à N’Djamena, au nord-ouest de l’aéroport, et la seconde est le camp capitaine Michel Croci à Abéché, dans l’est du pays. Un détachement est également stationné à Faya, au nord du Tchad.

Barkhane

Lancée le 1er août, 2014, Barkhane est une opération conduite par les armées françaises. Elle repose sur une approche stratégique fondée sur une logique de partenariat avec les principaux pays de la bande sahélo-saharienne (BSS) : Mauritanie, Mali, Niger, Tchad et Burkina-Faso.

Regroupés depuis le mois de février 2014 au sein d’un cadre institutionnel baptisé du nom de «  G5 Sahel », ces pays ont décidé d’apporter une réponse régionale et coordonnée aux défis sécuritaires, ainsi qu’aux menaces que font peser sur eux les groupes armés terroristes (GAT). Dans ce cadre, ils ont manifesté leur volonté de conduire leur action aux côtés de la France.

Si Barkhane s’inscrit dans une nouvelle approche stratégique, elle se caractérise aussi par une logique de fusion et de partage des moyens qui, jusqu’alors étaient dévolus à des opérations distinctes (l’opération Serval au Mali, déclenchée en 2013 et l’opération Epervier au Tchad, déclenchée en 1986).

La présence des forces françaises est maintenue au Mali comme au Tchad, mais les moyens présents dans ces pays sont désormais mutualisés et les zones d’engagement étendues à l’ensemble de la BSS.

L’opération Barkhane est commandée par un officier général depuis un poste de commandement unique stationné à N’Djamena, au Tchad.

Missions

Les missions de la force Barkhane sont les suivantes :

– appuyer les forces armées des pays partenaires de la BSS dans leurs actions de lutte contre les groupes armés terroristes ;

– contribuer à empêcher la reconstitution de sanctuaires terroristes dans la région.

Dispositif

L’opération Barkhane regroupe 3500 militaires, une vingtaine d’hélicoptères, 200 véhicules de logistique, 200 blindés, 6 avions de chasse, 3 drones et une dizaine d’avions de transport.

Ces 3500 militaires sont répartis sur deux points d’appui permanents à Gao (Mali) et à N’Djamena (Tchad). Ce dispositif n’est pas figé et le commandant de la force pourra faire basculer ses efforts (troupes et moyens) en fonction de la menace à laquelle il sera confronté.

Depuis ces deux points d’appui permanent, des détachements seront déployés sur des bases avancées temporaires (BAT). Ces bases constituent des « plateformes relais » à partir desquels seront conduites les missions, aux côtés des soldats des pays dans lesquels se situent ces bases.

L’emploi de l’ensemble des moyens aériens – hormis les moyens des détachements de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT), ainsi que les aéronefs des forces spéciales – est planifié depuis Lyon par le JFACC AFCO (Joint Force Air Component Command – Commandement de la composante air de la force interarmées de l’Afrique centrale et de l’ouest).

Bases principales

  • N’Djaména (Tchad), base de l’état-major et des forces aériennes.
  • Niamey (Niger), base d’un pôle de renseignement.
  • Gao (Mali), base d’un GTIA de 1 000 soldats.
  • Ouagadougou (Burkina Faso), base des forces spéciales du COS.

Bases opérationnelles avancées

En plus des bases principales, trois bases avancées temporaires sont également installées. Chacune accueille des petites unités de 30 à 50 hommes susceptibles de pouvoir accueillir une opération.

  • Tessalit (Mali)
  • Fort de Madama (Niger)
  • Faya-Largeau (Tchad)

Bases arrières

  • Dakar, Éléments français au Sénégal
  • Abidjan, Forces françaises en Côte d’Ivoire
  • Libreville, Forces françaises au Gabon

Les pertes

Pertes françaises

L’opération Barkhane a coûté la vie (au 29 juillet 2016) à 5 soldats français.

De août 2015 à mars 2016, l’armée française perd sept véhicules à cause des mines et des IED — VAB, VPS, PPT et PVP — et un hélicoptère Gazelle accidenté.

Pertes des djihadistes

D’après l’état-major de l’armée française, plus de 200 « terroristes » ont été mis hors de combats — tués ou capturés — de juillet 2014 à juillet 2016.

Bilan

Au 10 juillet 2015, l’armée française affirme avoir fouillé 150 caches et avoir saisi et détruit 25 véhicules, 80 appareils électroniques (GPS, ordinateurs, téléphones et postes radio) et 20 tonnes de munitions, dont : 2 000 obus, 680 grenades, roquettes et fusées, 25 EEI et mines, 210 détonateurs et commandes d’EEI, 30 mortiers, mitrailleuses et lance-roquettes. Elle s’est également emparée de 3 500 kg de drogue.

Avec 158 militaires français morts au cours d’Opex dans ce pays dont 93 « morts pour la France » entre 1968 et 2011, le Tchad est, à égalité avec le Liban, au premier rang des pertes militaires françaises en opérations extérieures depuis 1963.

Marcel ORIONE, un exemple de pro patria mort en OPEX au TCHAD

L’adjudant-chef Marcel ORIONE ( 1930 – 1969 ) est le parrain de la 208ème promotion de l’Ecole nationale des sous-officiers d’active 3ème Bataillon du 3 février 2003 au 26 septembre 2003.

Marcel ORIONE est né le 29 novembre 1930 à Vercelli dans le Piémont italien. Peu après, sa famille s’installe à Chisseaux dans le département de l’Indre et Loire. Poussé par son goût pour l’aventure, il s’engage, en 1948, au titre du 6e régiment de tirailleurs sénégalais (RTS) stationné à Casablanca auMaroc. Il suit, au sein de la 3e compagnie, le peloton d’élève gradé. Remarqué pour son endurance et ses qualités de chef d’équipe, il est nommé caporal le 1er janvier 1950. Réussissant le certificat d’aptitude technique du 2e degré, il rejoint en tant que caporal-chef la 10e compagnie implantée à Safi et encadre les jeunes recrues. Très bien noté, il est promu au grade de sergent en novembre 1950.

Volontaire pour servir en Extrême-Orient, le sergent ORIONE rejoint, en avril 1951, le 2e bataillon du 24e régiment de marche de tirailleurs sénégalais dans le delta tonkinois où il prend aussitôt, malgré son jeune âge, les fonctions de chef de section à l’instruction. Il se fait remarquer d’emblée pour ses qualités d’homme de terrain : une première fois, il déjoue une embuscade et met l’ennemi en fuite ; dans le quartier de Xom Traï il procède à l’ouverture d’itinéraires minés ; enfin, assurant la protection d’un chantier de débroussaillement dans la forêt de Ngoc Nhi, il disperse un élément vietminh qui tentait de l’encercler. A son retour en métropole, en juillet 1953, il est cité à l’ordre de la brigade.

Après ses congés de fin de campagne, le sergent ORIONE foule de nouveau la terre marocaine en novembre 1953 pour rejoindre le 1er bataillon du 6e RTS. Exemplaire par son comportement, il obtient brillamment le certificat inter armes puis le brevet d’armes du 1er degré (BA 1) en juin 1954. Il intègre le corps des sous-officiers de carrière un an plus tard et il est nommé au grade de sergent-chef. Quatre mois plus tard le sergent-chef ORIONE, en mission à Port Lyautey au nord de Rabat, est blessé par balle à la cuisse droite. Après sa convalescence, il est désigné pour servir en Afrique Occidentale Française.

En avril 1956 il débarque au Sénégal pour rejoindre la 3e compagnie mixte portée de Nioro implantée à la base autonome du Soudan Oriental. Adjoint au chef d’une section montée, le sergent-chef ORIONE acquiert très vite de bonnes connaissances hippologiques. Puis en juin 1958, il obtient le BA 2 infanterie et il est nommé au grade d’adjudant en octobre à son retour en France. Terminant son congé, il est affecté en février 1959 au 75e régiment d’infanterie de marine (75e RIMa) à Philippeville en Algérie.

Participant aux opérations de maintien de l’ordre en Afrique du Nord, l’adjudant ORIONE occupe les fonctions de chef de section au sein de la 6e compagnie. Le 23 mai 1959, dans le secteur de Collo, l’adjudant ORIONE permet, par une habile manoeuvre, la capture d’un élément adverse. Deux mois plus tard, devenu chef du poste militaire d’Affensou, il se porte seul au devant d’un rebelle armé afin de le faire prisonnier. Il réussit à le neutraliser mais est blessé par balle au cours de l’action. Il est cité pour sa bravoure à l’ordre de la division.

De retour à Chisseaux pour fin de séjour, l’adjudant ORIONE est affecté en juillet 1961 au groupement d’instruction des troupes de marine, à Fréjus, en qualité d’instructeur. Le 31 décembre 1961, la médaille militaire lui est conférée. Plusieurs fois chef de peloton d’élèves gradés, l’adjudant ORIONE est toujours classé parmi les sous-officiers d’élite. Il est nommé au grade d’adjudant-chef le 1er avril 1962. En septembre il suit le stage d’instructeur de tir à Montauban à l’issue duquel il se classe brillamment. Désigné pour servir en zone outre-mer 2 (ZOM 2), l’adjudant-chef ORIONE rejoint en février 1963 le groupement saharien n° 20 de la compagnie de l’Ennedi au sein des forces françaises du Tchad. Responsable tir du groupement, il acquiert très vite la spécialité de méhariste pendant ses deux ans de séjour.

Affecté aux Ecoles de Coëtquidan en juillet 1965, l’adjudant-chef ORIONE prend successivement les fonctions d’instructeur de tir, d’adjudant de bataillon puis de chef de secrétariat du poste de commandement. Au cours de ses trois ans de présence, il obtient le brevet parachutiste et le brevet d’aptitude équestre du 2e degré.

En 1968, désigné pour continuer ses services outre-mer dans le cadre de l’Assistance militaire technique au Tchad, l’adjudant-chef ORIONE est affecté à la section méhariste de la Garde nomade tchadienne à Oum-Hadjer, située entre N’Djamena et Abéché. L’adjudant-chef ORIONE participe avec son peloton méhariste à toutes les opérations de maintien de l’ordre dans la région de Batha, y faisant preuve de belles qualités de chef et de combattant. Le 14 mars 1969, le poste de Haraz-Djombo est attaqué par un parti dissident fortement armé. L’adjudant-chef ORIONE se lance à la poursuite de la bande et réussit à l’intercepter. Montant à l’assaut à la tête de ses hommes, il trouve une mort glorieuse dans l’accomplissement de sa mission.

Durant vingt années, l’adjudant-chef ORIONE a été le symbole du courage, de l’honneur et du devoir. Cité à l’ordre de l’armée à titre posthume, la croix de chevalier de l’ordre national tchadien et la croix du mérite militaire tchadien avec étoile d’or sont venues rendre un dernier hommage à ce sous-officier d’élite, médaillé militaire, qui a mérité l’admiration de tous pour sa rigueur morale et son dévouement pour la France.

Source du texte: www.lechevron.fr